Infections nosocomiales : recours et indemnisation des victimes

Selon Santé publique France, entre 5 et 7 % des patients hospitalisés contractent une infection nosocomiale, soit environ 800 000 personnes chaque année.
Si la plupart se traitent efficacement par antibiotiques, certaines infections plus graves — notamment lorsqu’elles surviennent à la suite d’un acte invasif ou qu’elles sont détectées tardivement — peuvent entraîner des séquelles irréversibles, voire le décès du patient. On estime ainsi que ces infections sont responsables d’environ 4 000 décès par an.
Responsabilité, recours juridiques, dispositifs d’indemnisation : Maître Coralie Fournier, avocate spécialiste en réparation en dommage corporel, fait le point sur vos droits.

Qu’est-ce qu’une infection nosocomiale ?

Une infection nosocomiale, également appelée infection associée aux soins, est une infection contractée au cours ou au décours d’un séjour dans un établissement de santé, qu’il s’agisse d’une hospitalisation, d’une intervention chirurgicale, d’un examen médical ou de tout autre acte de soin.

Pour être reconnue comme telle, l’infection ne doit être ni présente ni en incubation à l’admission du patient. Elle doit apparaître au minimum 48 heures après l’hospitalisation, délai permettant de distinguer une infection communautaire d’une infection liée aux soins.

Ce délai est porté à 30 jours pour les infections du site opératoire, et jusqu’à un an en cas de pose d’un dispositif médical interne (prothèse, implant, pacemaker). Ainsi, même après le retour à domicile, une infection apparue sur une cicatrice chirurgicale dans l’année peut être considérée comme nosocomiale.

Il ressort de la définition des infections liées aux soins rédigées par le CTINILS[1] que trois éléments sont à prendre en considération pour caractériser juridiquement une infection nosocomiale :

  • L’origine du gène,
  • Le critère temporel de l’apparition de l’infection,
  • L’infection ne doit être ni présente ni en incubation au début de la prise en charge.

Qui est responsable en cas d’infection nosocomiale ?

La loi Kouchner (loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé) établit une présomption de responsabilité des établissements de santé en cas d’infection nosocomiale via l’article L1142-1du Code de la santé publique : « Les établissements, services et organismes dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d’infections nosocomiales, sauf s’ils rapportent la preuve d’une cause étrangère. »

Ainsi, en cas d’infection nosocomiale, la responsabilité de l’établissement est engagée de plein droit. Pour s’exonérer de sa responsabilité, il devra démontrer une cause étrangère (autre origine que la prise en charge).

Quels sont les recours possibles pour les victimes ?

Les patients victimes d’une infection nosocomiale disposent de plusieurs voies de recours :

Recours auprès de l’assureur de l’établissement de santé

Il est possible d’engager un recours amiable contre l’hôpital ou la clinique. Les établissements acceptent parfois de réaliser une expertise médicale amiable mais cela reste à la marge. Ce recours est envisagé dans les cas les plus légers et simples.

Saisine de la CCI

La loi Kouchner a créé les Commission de Conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI). Il s’agit d’une voie de règlement amiable des litiges permettant de déterminer les responsabilités médicales par désignation d’un expert médical.

Il s’agit tout de même d’une procédure avec expertise médicale et audience devant les membres de la CCI, cette procédure amiable est donc sérieuse et nécessite une préparation et un accompagnement par un médecin et par un avocat.

La saisine et la compétence de cette Commission est conditionnée par des critères de gravité édictés par la loi.

Règlement judiciaire

Le choix de la juridiction dépend du secteur dans lequel le patient a été pris en charge. Si celui-ci a été hospitalisé dans un établissement public, c’est le tribunal administratif qui sera compétent. A l’inverse, si le patient a été hospitalisé dans un établissement privé, c’est le tribunal judiciaire qui verra sa compétence s’exercer.

L’intervention d’un avocat spécialisé est nécessaire dans cette dernière hypothèse et elle est fortement recommandée pour la réalisation de la procédure CCI. Même si cette dernière reste « amiable » et gratuite, les enjeux sont majeurs dans la mesure où les conclusions de l’expertise médicale seront opposables par l’une ou l’autre partie.

Comment engager un recours en tant que victime ou ayant droit ?

Avant d’engager toute procédure, amiable ou contentieuse, il est recommandé de solliciter un avocat spécialisé et expérimenté pour vous accompagner dans toutes les démarches.

  1. Constituer un dossier médical complet (dossier d’hospitalisation, comptes rendus opératoires, examens, ordonnances…).
    Ce dossier contient les éléments de preuve nécessaires pour établir l’existence de l’infection nosocomiale et ses conséquences.
  2. Saisir la Commission de Conciliation et d’Indemnisation ou la juridiction compétente
  3. Se faire assister par un médecin conseil de victime lors de l’expertise médicale (après désignation de l’expert par la CCI ou par le Juge)
  4. Présenter une demande d’indemnisation à l’assureur de l’établissement de santé ou à l’ONIAM en fonction de l’importance des séquelles et critères de gravités retenus par le rapport d’expertise médicale

L’ONIAM intervient notamment dans l’indemnisation des préjudices lié à l’infection nosocomiale dès lors que le taux de DFP est supérieur à 25%.

Quelle indemnisation pour les victimes d’infection nosocomiale ?

Le montant de l’indemnisation est fixé sur la base du rapport d’expertise.

Quoi qu’il en soit, dès lors que le caractère nosocomial de l’infection est reconnu, les postes de préjudices listés dans la nomenclature Dintilhac sont pris en compte dont notamment :

  • Les préjudices patrimoniaux (préjudices économiques) : pertes de revenus, frais médicaux, prothèses, rééducation, matériel adapté, travaux d’adaptation du logement…
  • Les préjudices extrapatrimoniaux (préjudices subis par la victime dans sa sphère personnelle) : souffrances endurées, préjudice esthétique, préjudice d’agrément (loisirs, sport), préjudice moral…

En cas de décès du patient, ses ayants droit pourront également notamment solliciter une indemnisation au titre des préjudices suivants :

  • Préjudice d’affection
  • Préjudice d’accompagnement
  • Préjudice économique (frais d’obsèques, frais divers et pertes de revenus).

Exemple d’indemnisation à la suite d’une infection nosocomiale

Monsieur A a subi une intervention pour prothèse de genou. Quelques jours après l’intervention chirurgicale, il a présenté une infection nosocomiale qui a nécessité une reprise chirurgicale, une antibiothérapie… Malgré la prise en charge de cette dernière de manière appropriée par les médecins, l’infection a créé des dommages irréversibles, limitant désormais de manière importante la mobilité du genou.

Une expertise médicale a été sollicitée auprès de la CCI ;

Le premier rapport a rejeté les conséquences dommageables de l’infection considérant qu’elle avait été totalement guérie après a reprise chirurgicale. L’établissement de santé devait donc indemniser les conséquences temporaires de la survenue de l’infection.

Il a été démontré à la CCI que cette position n’était pas tenable et une nouvelle expertise médicale a été ordonnée.

La seconde expertise a retenu, à juste titre des conséquences définitive de la survenue de cette infection et notamment des séquelles fonctionnelles et douleurs permanentes.

Monsieur A doit être indemnisé par l’établissement de santé.

La proposition amiable de ce dernier ne convient pas car elle est très en deçà de ce qui est juste pour la victime. Une procédure en indemnisation est donc en cours mais il sera en tout état de cause bien mieux indemnisé que sur la base du premier rapport d’expertise.

Cet exemple montre qu’il est absolument indispensable d’être assisté afin que tous ses préjudices soient retenus mais également que les procédures CCI et procédures judiciaires peuvent s’articuler entre elles.

Être accompagné par un avocat expert en indemnisation d’infection nosocomiale

L’avocat spécialiste en réparation du dommage corporel, à l’image de Maître Coralie Fournier vous conseille et vous assiste à chaque étape : obtention du dossier médical, saisine de la CCI ou du tribunal compétent, expertise médicale, négociation avec l’assureur…

Elle veille à la défense de vos droits et à l’obtention d’une indemnisation intégrale, en tenant compte de toutes les conséquences physiques, psychologiques et financières de l’infection.

A retenir sur l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales

  • La responsabilité de l’établissement de santé est engagée de plein droit, sauf preuve d’une cause étrangère.
  • Plusieurs voies d’indemnisation existent :
    • Via la procédure de la CCI, en cas d’infection grave ;
    • Auprès de l’assureur de l’établissement ;
    • Par recours judiciaire.
  • L’expertise médicale est une étape clé : elle conditionne la reconnaissance de l’infection nosocomiale et le montant de l’indemnisation.
  • L’accompagnement par un avocat spécialisé, comme Maître Coralie Fournier, est essentiel pour obtenir une réparation intégrale.

[1] Étude du CTINILS de mai 2007